- Nous allons étudier la perspective de la vie personnelle en sociologie.
- Nous verrons en quoi cette nouvelle approche diffère des idées fonctionnalistes et des théories du postmodernisme.
- Nous nous pencherons ensuite sur les sociologues les plus importants de la perspective de la vie personnelle.
- Nous mentionnerons les types de relations que la sociologie de la vie personnelle propose comme alternatives aux liens familiaux.
- Enfin, nous nous pencherons sur l'évaluation de la perspective de la vie personnelle.
La perspective de la vie personnelle en sociologie
Qu'est-ce que la perspective de la vie personnelle en sociologie ? La sociologie de la vie personnelle est une théorie qui prend en compte toutes les relations significatives dans la vie personnelle d'un individu, et pas seulement celles que tu associerais à la famille traditionnelle. Elle soutient que les choix individuels influencés par le contexte social sont à l'origine de la diversité familiale croissante dans la société.
Aspects de la sociologie de la vie personnelle
La sociologie de la vie personnelle est fortement influencée par l'interactionnisme; on peut même dire qu'il s'agit essentiellement d'une perspective interactionniste. De ce fait, la sociologie de la vie personnelle critique les théories structurelles modernes, telles que les approches fonctionnalistes et marxistes de la famille.
Pour rappel, les théories structurelles considèrent la société comme "descendante", c'est-à-dire qu'elles examinent comment les structures et les hiérarchies sociales façonnent et influencent l'individu.
Cependant, la sociologie de la vie personnelle reconnaît que les choix des individus ne peuvent pas être totalement exempts d'influences extérieures. C'est pourquoi elle critique également certains aspects du postmodernisme.
Les principaux penseurs de la sociologie de la vie personnelle sont Carol Smart et Vanessa May, bien que les recherches de Jeffrey Weeks sur la sexualité constituent un ajout important à l'approche.
L'évaluation du fonctionnalisme et du marxisme par la perspective de la vie personnelle
La sociologie de la vie personnelle critique certains aspects des théories structurelles de l'ère moderniste (ou théories structurelles modernes) telles que le fonctionnalisme et le marxisme. On leur reproche de se concentrer sur la cellule familiale nucléaire traditionnelle tout en analysant les familles en sociologie. En effet :
- La recherche dans ce domaine est ethnocentrique, car elle se concentre essentiellement sur les familles blanches de la classe moyenne.
- On part du principe que la famille nucléaire est le type de famille dominant. Les différents types de familles sont largement ignorés par les théories structurelles.
- Les théories structurelles décrivent les familles comme passives et uniquement influencées par des facteurs sociétaux externes.
- Les tendances sociales plus larges et les relations non familiales significatives sont ignorées.
La perspective de la vie personnelle vise à étudier les choix individuels et les influences qui les sous-tendent lorsqu'il s'agit de la formation d'une famille et de l'expérience générale de la vie.
Contrairement aux théories structurelles "descendantes", on peut dire que la sociologie de la vie personnelle a une approche "ascendante", car elle se concentre sur les individus et les significations qu'ils attachent à la famille.
Le postmodernisme et la sociologie de la vie personnelle
Les théoriciens du postmodernisme tels qu'Anthony Giddens, Ulrich Beck et Zygmunt Bauman ont soutenu qu'en raison de l'individualisation, les gens peuvent faire leurs propres choix concernant leur vie et leurs relations, à l'abri de la pression et de l'influence de la société.
La perspective de la vie personnelle affirme qu'il s'agit là d'une vision idéaliste. Dans de nombreux cas, l'individu est influencé par des pressions sociétales complexes et par ses expériences relationnelles antérieures. Ses choix peuvent rarement être indépendants et libres de tout contexte social.
C'est pourquoi la sociologie de la vie personnelle se situe entre l'approche structurelle et l'approche postmoderne de la famille.
La thèse de la connectivité en sociologie
Carol Smart est la sociologue la plus importante du point de vue de la vie personnelle. Elle a proposé la "thèse de la connexité" dans son livre Personal Life : New Directions in Sociological Thinking (2007). Cela signifie que les gens peuvent former des liens significatifs avec leurs amis, leurs collègues et leurs animaux de compagnie. Elle affirme que ces liens sont parfois plus forts que les relations familiales parce qu'ils sont basés sur les expériences partagées des parties plutôt que sur les liens du sang.
Selon Smart, les gens sont libres de construire leur propre réseau individuel de "famille". Cependant, les choix qu'ils font en termes de relations sont influencés par leur histoire familiale, leur classe sociale, leur appartenance ethnique, leurs expériences personnelles antérieures, ainsi que par les tendances et les attentes de la société.
Cette idée d'une formation familiale complexe, déterminée à la fois par le choix personnel et le contexte social, place la sociologie de la vie personnelle quelque part entre l'approche fonctionnaliste moderne et l'approche postmoderne.
Smart a souligné que bien que les sociologues du passé aient eu tendance à présenter la famille comme une unité toujours harmonieuse, en réalité, de nombreuses familles sont sources de conflits, de violence et d'oppression. Par conséquent, les gens cherchent souvent refuge dans des réseaux extérieurs à la famille.
Méthodologie de recherche de la perspective de la vie personnelle
En termes de méthodologie, la recherche de Smart était à petite échelle et visait à disséquer la vie personnelle de l'individu. Elle s'est concentrée sur des éléments des relations que les sociologues ignoraient auparavant, comme la perception de la relation par les individus impliqués, ou les souvenirs et les émotions qui s'y forment.
Les cinq concepts clés de Carol Smart sur les relations personnelles
Carol Smart a trouvé cinq concepts clés qui sont importants pour les individus et leurs relations avec les autres.
Le rôle de la mémoire dans la formation des relations
Les liens peuvent se former sur la base de souvenirs partagés. Les souvenirs de certains événements de la vie peuvent être douloureux ou joyeux, en fonction de leur contexte et des personnes qui entourent l'individu. Les gens n'établissent pas les mêmes relations avec les personnes avec lesquelles ils partagent des souvenirs différents.
Le rôle de la biographie dans la formation des relations
Chaque relation a son histoire individuelle et des aspects qui peuvent déterminer la formation et l'importance de cette relation. Des antécédents communs en matière d'éducation, de travail, de voyage ou de vie commune peuvent souvent créer des liens plus forts que les liens du sang.
Les anciens colocataires, les camarades de classe à l'université et les personnes rencontrées en voyage sont de bons exemples d'individus avec lesquels nous pouvons avoir une histoire commune.
Fig. 1 - L'histoire commune lors d'un voyage peut créer des liens plus forts que les liens du sang.
Le rôle de l'intégration dans la formation des relations
La force d'une relation dépend fortement des arrangements sociaux et du temps passé ensemble. Les gens sont souvent plus proches d'un ami qu'ils voient tous les jours que d'un membre de leur famille qu'ils ne voient qu'occasionnellement.
Le rôle du relationnel dans la formation de la relation
La nature et la santé de la relation sont des aspects importants. En général, les gens aiment éviter les conflits dans leur vie, c'est pourquoi ils cherchent à s'entourer de personnes qui partagent les mêmes idées qu'eux. Les individus peuvent être confrontés à des conflits constants au sein de leur famille (tels que la maltraitance des enfants, la violence domestique ou les différences religieuses), et peuvent chercher refuge auprès d'amis ou de collègues.
Le rôle de la perception dans la formation d'une relation
La perception d' une relation par les parties est un concept très subjectif, et pourtant Smart a tenté de faire des recherches à ce sujet. Elle s'est intéressée à la façon dont l'individu pensait à l'importance et à l'avenir de certaines relations dans sa vie.
La perspective de la vie personnelle de la famille
Trois autres théoriciens importants de la perspective de la vie personnelle se sont concentrés sur la famille et les relations personnelles dans leurs recherches. Examinons-les et leurs points de vue l'un après l'autre.
Vanessa May et la sociologie de la vie personnelle
Selon Vanessa May (2011), le nombre croissant de ménages composés d'une seule personne et les changements dans la société font que les gens recherchent un soutien à la fois physique et émotionnel en dehors de leur famille, créant ainsi leur propre réseau personnel.
Ce nouveau type de "famille" peut inclure des membres de la famille réelle, des amis, des collègues, des animaux de compagnie ou même des figures importantes de la religion de la personne.
Jeffrey Weeks et la sociologie de la vie personnelle
Les travaux de Jeffrey Weeks sont importants lorsqu'il s'agit de prendre en compte les couples de même sexe et la diversité familiale. Weeks affirme que la construction de l'homosexualité comme anormale, et l'établissement des rôles de genre , ont conduit à ce que la famille nucléaire dirigée par un couple hétérosexuel soit considérée pendant longtemps comme la seule forme de famille légitime.
Dans son livre de 2001, Same-Sex Intimacies : Families of Choice and Other Life Experiments, il interroge des personnes non hétérosexuelles sur leurs expériences relationnelles et discute de la façon dont les relations significatives et non familiales ont changé notre façon de concevoir la formation de la famille dans la société en général.
Judith Stacey et la sociologie de la vie personnelle
Judith Stacey s'est concentrée sur les femmes dans ses recherches et a montré de nombreuses façons non traditionnelles de former des relations. Selon elle, de plus en plus de femmes peuvent choisir de quitter leur famille et d'en fonder une nouvelle en fonction de leurs besoins et de leur bonheur.
Stacey a notamment identifié un nouveau type de relation non familiale appelé "famille élargie par le divorce", où les femmes restent en contact avec la famille de leur ex-partenaire après un divorce.
Des "alternatives" significatives aux liens familiaux
Amis: les amis de l'école, des voyages ou d'anciens lieux de vie peuvent être aussi significatifs que les frères et sœurs pour de nombreuses personnes.
Parenté fictive: les amis proches peuvent parfois apparaître comme des parents pour certaines personnes. Une amie plus âgée peut être une mère ou une grand-mère, par exemple.
Les"familles choisies" des personnes homosexuelles et transgenres : il arrive que la famille de sang ne soit pas aussi favorable à une personne homosexuelle, lesbienne, bisexuelle ou transgenre qu'un réseau étroit d'amis et d'ex-partenaires peut l'être.
Parents décédés: les souvenirs d'êtres chers peuvent influencer les actions et la formation de l'identité d'un individu.
Dieu et autres figures religieuses : pour certaines personnes, la relation avec le Dieu de leur religion peut être aussi forte, voire plus forte, qu'un lien familial.
Animaux de compagnie: Becky Tipper (2011) a étudié l'évaluation des relations familiales par les enfants et a découvert que ces derniers considéraient souvent leurs animaux de compagnie comme faisant partie de la famille.
Points forts et critiques de la perspective de la vie personnelle
La sociologie de la vie personnelle a été évaluée sur de nombreux points par des sociologues de différentes perspectives. Nous examinerons d'abord ses évaluations positives, puis ses critiques.
Les aspects positifs de la perspective de la vie personnelle
La sociologie de la vie personnelle adopte une approche positive de la recherche sur la vie familiale. Elle nie l'existence d'un "déclin de la vie familiale" , comme l'ont affirmé les individualistes postmodernes.
La sociologie de la vie personnelle a été saluée pour avoir montré les façons indépendantes dont les gens établissent et définissent leurs relations "familiales", en abandonnant les normes et définitions sociétales traditionnelles. Elle met l'accent sur le choix individuel et s'oppose à l'idée structuraliste de la domination de la société dans la formation de la famille.
Les théories fonctionnalistes présentaient les relations familiales comme exclusivement positives, mais la perspective de la vie personnelle reconnaît que les relations familiales peuvent souvent être négatives et avoir de graves conséquences sur les relations futures d'un individu.
Les aspects négatifs de la perspective de la vie personnelle
Certains sociologues critiquent la perspective de la vie personnelle comme étant descriptive plutôt qu'analytique.
Les critiques soutiennent qu'en examinant un si large éventail de relations, la sociologie de la vie personnelle ignore les caractéristiques qui rendent le mariage et les relations de sang uniques.
Sociologie de la vie personnelle - Principaux enseignements
- La sociologie de la vie personnelle est une théorie qui prend en compte toutes les relations significatives dans la vie personnelle d'un individu, et pas seulement les relations familiales traditionnelles, et qui soutient que les choix individuels influencés par le contexte social sont à l'origine de la diversité familiale croissante dans la société.
- Carol Smart affirme que les cinq concepts clés qui influencent les relations d'un individu sont la mémoire, la biographie, l'intégration, la relationnalité et la perception.
- Selon Vanessa May, le nombre croissant de foyers composés d'une seule personne et les changements intervenus dans la société ont amené les gens à rechercher un soutien physique et émotionnel en dehors de leur famille, créant ainsi leurs propres réseaux personnels.
- Jeffrey Weeks affirme que la construction de l'homosexualité comme anormale et l'établissement des rôles de genre ont fait de la famille nucléaire dirigée par un couple hétérosexuel la seule forme de famille légitime pendant longtemps.
- Les critiques soutiennent qu'en examinant un si large éventail de relations, la sociologie de la vie personnelle ignore les caractéristiques qui rendent le mariage et les liens du sang uniques.
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