Sauter à un chapitre clé
La dénazification est une politique essentielle pour la reconstruction allemande et européenne après la guerre. L'objectif est notamment de prévenir une nouvelle montée de l'extrémisme, comme celle de l'entre-deux-guerres. De ce fait, les Alliés s'attachent notamment à la réinstauration des principes démocratiques, à la rééducation et à la réconciliation. Le procès de Nuremberg, qui est le premier tribunal militaire international, constitue l'exemple marquant de la partie punitive de ce processus multidimensionnel. La dénazification diffère cependant selon les zones d'occupation et son enjeu est rapidement éclipsé par la guerre froide.
- On te présentera d'abord la définition de la dénazification, son contexte et ses principaux objectifs, la rééducation démocratique et la réconciliation des peuples.
- Tu découvriras ensuite les principaux éléments de la dénazification, dont fait partie le procès de Nuremberg, le premier tribunal militaire international.
- Puis, on abordera les campagnes de dénazification selon les zones d'occupation : régime communiste, américain, britannique ou français.
- Enfin, on verra les limites et la fin de la dénazification.
Qu'est-ce que la dénazification ?
Dénazification : processus d'épuration du nazisme en Allemagne et dans les zones occupées après la Seconde Guerre mondiale
La dénazification est mise en place par les puissances victorieuses de l'Allemagne nazie, soit les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) et la France.
Contexte historique
Lors de la conférence de Yalta (4–11 février 1945), Winston Churchill, Franklin D. Roosevelt et Joseph Staline conviennent que l'élimination de toute trace de nazisme est primordiale pour la reconstruction de la société allemande.
Au cours de la conférence de Potsdam (17 juillet 1945–2 août 1945), le Royaume-Uni, les États-Unis et l'URSS s'accordent sur la division de l'Allemagne en trois zones.
Le Royaume-Uni et les États-Unis concèdent plus tard une zone à la France, en la prélevant sur leur propre territoire occupé.
Les trois puissances prévoient aussi la dénazification :
Tous les membres du parti nazi qui ont participé à son activité autrement que par leur adhésion nominale [...] seront exclus des fonctions publiques ou semi-publiques et de toutes les situations qui impliquent des responsabilités dans les entreprises privées importantes.1
– Accords de Potsdam, 2 août 19451
La dénazification fait partie d'une politique plus large, celle des « quatre D » :
- la démocratisation, soit la réintroduction des principes démocratiques dans le pays ;
- la démilitarisation, qui implique notamment le démantèlement de 900 usines allemandes, selon le plan Morgenthau ;
- la décartellisation/décentralisation, soit la dissolution du cartel de trente grandes entreprises allemandes ;
- la dénazification.
Les objectifs de la dénazification sont multiples : punition des responsables, rééducation démocratique et réconciliation. Le but ultime est ainsi de ne pas répéter les atrocités du passé.
Rééducation démocratique
La dénazification ne peut se faire sans rééducation démocratique. Il faut donc déconditionner la population en la mettant nez à nez avec les pires atrocités du nazisme et en démontant la théorie de la soi-disant supériorité aryenne.
Parmi les techniques de rééducation, on a notamment :
- le visionnage ou la visite de camps de concentration, avec notamment des confrontations forcées avec les cadavres des victimes ;
- la reconstruction de villages ;
- la diffusion d'œuvres artistiques occidentales.
Réconciliation
Cette rééducation démocratique, outre l'espérance d'un monde en paix, a pour but ultime d'intégrer l'Allemagne au concert des nations et à la construction européenne qui voit le jour. Elle s'accompagne ainsi d'une volonté de réconciliation des populations. La dénazification panserait les profondes blessures infligées à d'innombrables groupes pendant la Seconde Guerre mondiale.
Il s'agit notamment d'encadrer le mouvement de représailles engagé par la société civile, particulièrement dans les zones anciennement occupées par l'Allemagne nazie. Ainsi, en France ou aux Pays-Bas, la population procède à la punition et à l'humiliation des personnes soupçonnées d'avoir collaboré ou sympathisé avec l'occupant. Les femmes sont par exemple tondues.
Outils de la dénazification
Si l'élimination de la littérature et des symboles nazis est une tâche relativement simple, l'élimination de l'idéologie nazie de la société allemande est plus ardue.
Parmi les mesures phares, on retrouve :
le procès de Nuremberg ;
les questionnaires obligatoires ;
les cinq catégories de responsabilité.
Procès de Nuremberg, premier tribunal militaire international
Du 20 novembre 1945 au 1ᵉʳ octobre 1946, 6 organisations et 22 dirigeants nazis sont jugés par le Tribunal militaire international de Nuremberg.
Après ce tribunal, les États-Unis organisent 12 procès supplémentaires à Nuremberg, où sont jugées presque 200 personnes.
Les procès de Nuremberg constituent le volet punitif le plus médiatisé du processus de dénazification. Il s'agit ainsi de punir les criminels de guerre nazis pour des crimes spécifiques. Ce tribunal militaire international a aussi une portée plus large au niveau de la juridiction internationale. Il inscrit durablement le principe de « crimes contre l'humanité » dans le droit international et ouvre la voie à la justice internationale.
Crime contre l'humanité : acte commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile et en connaissance de cette attaque, notamment meurtre, extermination, réduction en esclavage, déportation, torture, violence sexuelle, crime d’apartheid3
Questionnaires obligatoires
En 1946, le Royaume-Uni, la France et les États-Unis mettent en place un système de questionnaire pour identifier les anciens nazis.
Ce questionnaire s'inspire de celui utilisé par les forces américaines en Italie en 1944, la scheda personale. Créé par Aldo Raffa, major de l'armée américaine, il permet d'identifier les personnes associées au régime de Mussolini.
Chaque adulte vivant dans une zone d'occupation alliée doit répondre à 131 questions, pour indiquer quelle était son occupation dans l'Allemagne nazie. La lecture et le traitement des questionnaires mobilisent des ressources humaines considérables.
Dans la zone d'occupation américaine, environ 10 millions d'Allemands remplissent ces questionnaires.
Bien que la malhonnêteté dans le questionnaire soit un délit punissable, de nombreux nazis mentent sur leurs actions pendant le Troisième Reich et échappent ainsi à la condamnation.
Catégorisation des responsables
Pour décider de la peine encourue, cinq catégories de responsabilité sont définies par la loi du 5 mars 1946 du côté occidental :
Les délinquants graves sont immédiatement arrêtés et condamnés à la peine capitale, à l'emprisonnement ou aux travaux forcés.
Les meneurs, les profiteurs et les militaristes sont condamnés à des peines allant jusqu'à dix ans de prison.
Les délinquants de moindre importance sont placés en liberté surveillée pour une durée maximale de trois ans.
Les sympathisants du régime nazi sont soumis à des restrictions en matière d'emploi, de voyages et de libertés politiques.
Les personnes exonérées sont disculpées et ne reçoivent aucune sanction ou peine d'emprisonnement.
Seul 1,4 % des personnes à dénazifier sont placées dans les trois premières catégories.
Plusieurs amnisties se succèdent, pour pardonner à certaines catégories de nazis, en général ceux considérés comme « suiveurs ». En effet, les membres du parti nazi représentent 10 % de la population allemande et on ne peut s'en défaire complètement pour reconstruire le pays.
La France et les États-Unis déclarent ainsi des amnisties de jeunesse pour les personnes nées après le 1ᵉʳ janvier 1919. Ces amnisties permettent aux jeunes, comme les membres des Jeunesses hitlériennes, d'être exemptés de toute sanction.
Campagnes de dénazification de l'Allemagne
Pour les questions générales de dénazification, un Conseil de contrôle interallié est créé. Cependant, à l'intérieur de chaque zone d'occupation, les puissances procèdent à la dénazification selon leurs intérêts.4
Sous le régime communiste
En Allemagne de l'Est, l'URSS profite de la dénazification pour implanter le communisme dans la région. L'idéal de rééducation démocratique n'est pas à l'ordre du jour et le parlement est-allemand se remplit rapidement de communistes fidèles à Moscou. De nombreux nazis vont aussi se reconvertir et participer au nouveau régime communisme, sous la menace constante de dossiers prouvant leur implication. La dénazification se fait ainsi de manière autoritaire en zone communiste.
Dans la zone américaine
La dénazification dans la zone d'occupation américaine est stricte. Les Américains écartent des postes gouvernementaux toute personne activement associée au régime nazi ; ce changement bureaucratique global entraine une pénurie de travailleurs gouvernementaux. Alors que les États-Unis cherchent officiellement à rétablir l'Allemagne en tant que démocratie fonctionnelle, ils considèrent que la société allemande n'est pas digne de confiance et doit payer le prix de sa responsabilité. Au niveau industriel, ils sont cependant plus cléments que d'autres zones et l'économie allemande souffre moins de la dénazification américaine.
Dans la zone française
La dénazification de la zone française se concentre sur l'épuration de la fonction publique, des organisations gouvernementales et de l'industrie. Mal gérée pour cause de tensions entre les dirigeants de la zone française, la dénazification est aussi définie selon des intérêts nationaux. La France procède ainsi à de nombreux démantèlements d'usines nazies, profitant de l'industrie et des ressources allemandes, pour affaiblir l'Allemagne et renforcer l'économie chancelante de l'Hexagone. L'épuration politique n'est cependant pas aussi stricte que celle engagée initialement par les Américains.
En France, on procède à un mouvement d'épuration de toute personne ayant collaboré. Néanmoins, à partir de 1947, c'est la réconciliation nationale qui prime. Charles de Gaulle instaure par exemple le mythe de la France résistante et de nombreuses personnes sont réhabilitées.
Dans la zone britannique
Comme la France, la zone britannique adopte une attitude plus pragmatique et modérée. La dénazification se concentre sur l'épuration des organisations administratives allemandes. Le but du Royaume-Uni est principalement de reconstruire l'économie allemande et d'assurer l'efficacité de l'administration allemande. Il permet finalement à d'anciens nazis d'occuper des postes gouvernementaux importants.
Limites et fin de la dénazification
Le processus de dénazification est complexifié par plusieurs éléments.
En effet, rien qu'en Allemagne, 70 millions de personnes sont concernées, dont 8,5 millions de membres du parti nazi. Dans certaines villes, la majorité des postes essentiels sont occupés par d'anciens nazis, comme les médecins, les juges ou les spécialistes du service des eaux. Nombre d'entre eux ne sont même pas condamnés ou alors rapidement réhabilités, surtout dans les zones occidentales. Les intellectuels, notamment les scientifiques, sont souvent épargnés pour servir les intérêts des puissances alliées.
D'autres nazis échappent au processus de dénazification en se suicidant ou en prenant la fuite, la plupart du temps vers l'Amérique latine.
Des milliers de nazis, probablement autour de 20 000, se suicident dans l'immédiat après-guerre, pour échapper au bolchévik sanguinaire, mais surtout à la justice.
Alors que les hostilités de la guerre froide entre les États-Unis et l'Union soviétique émergent, les puissances veulent gagner la faveur de la population allemande. Le processus de dénazification va à l'encontre de cet objectif géopolitique, la population étant exaspérée par l'ensemble des mesures.
Ainsi, en 1946, les États-Unis et le Royaume-Uni cèdent le contrôle du processus de dénazification au peuple allemand, ce qui entraine de nombreuses réhabilitations. Ce n'est cependant pas avant le 11 mai 1951 que le Bundestag à l'Ouest abolit la dénazification.
L'URSS annonce la fin de la dénazification le 10 mars 1948, mais des camps d'internement subsistent pendant deux ans.
La dénazification n'est qu'une manifestation de la fin des totalitarismes : plusieurs décennies plus tard, l'URSS procède ainsi à la déstalinisation.
Dénazification - Points clés
La dénazification est une politique mise en œuvre par les Alliés après la Seconde Guerre mondiale pour débarrasser la société allemande de toute trace de nazisme.
Décidée principalement à la conférence de Potsdam, elle aspire à la rééducation démocratique des Allemands et la réconciliation nationale et européenne.
Le procès de Nuremberg vise à punir les collaborateurs nazis connus.
La dénazification varie considérablement entre les quatre zones d'occupation, les Alliés l'utilisant pour poursuivre leurs propres objectifs.
Entre amnisties, réhabilitations et fuites, de nombreux nazis échappent à la dénazification.
Les enjeux de la guerre froide finissent par prendre le pas sur le processus de dénazification.
Références
- Point 6. partie A. Principes politiques. « Principes politiques et économiques du traitement dont l'Allemagne sera l'objet dans la période initiale de contrôle », Accords de Potsdam (2 août 1945). Digithèque de matériaux juridiques et politiques de l'université de Perpignan (consulté le 21 mars 2023)
- Image 2. Kaalgeschoren moffenmeiden (https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Kaalgeschoren_moffenmeiden.jpg) par Willem van de Poll (https://www.wikidata.org/wiki/Q2265355) Autorisé par CC BY-SA 3.0 NL (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/nl/deed.fr)
- Article 7, Crimes contre l’humanité. Chapitre II, Compétence, recevabilité et droit applicable. Statut de Rome de la Cour pénale Internationale. Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 2187, No. 38544 (17 juillet 1998, en vigueur le 1ᵉʳ juillet 2002, consulté le 21 mars 2023)
- « La dénazification » Site de l'Alliierten Museum (consulté le 21 mars 2023)
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Questions fréquemment posées en Dénazification
C'est quoi dénazifier ?
Dénazifier, c'est éliminer le nazisme de la société allemande après la Seconde Guerre mondiale en :
- rendant illégale l'idéologie nazie ;
- retirant les symboles nazis de l'espace public ;
- éduquant la population sur les conséquences du nazisme.
Quand commence la dénazification ?
La dénazification commence réellement après les accords de Potsdam en août 1945.
Quel est le but du procès de Nuremberg ?
Le but du procès de Nuremberg est de juger les hauts responsables nazis pour les crimes commis pendant la Seconde Guerre mondiale et condamner officiellement les agissements nazis.
Comment est divisée la dénazification entre les Alliés ?
Les Alliés se divisent la dénazification ainsi :
- dans sa zone d'occupation, chaque pays gère comme bon lui semble le processus ;
- pour des questions plus générales, comme le procès de Nuremberg, ils partagent la responsabilité à parts égales.
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